Une batterie d’artillerie allemande était installée sur les hauteurs de Tréauville. C’était un modeste ouvrage de défense de ce mur de l’Atlantique qui n’a pas résisté à l’assaut des Alliés sur les plages du débarquement. Au lieu-dit Les Delles, bien caché dans un talus entre deux champs se trouve un petit blockhaus constitué de deux casemates d’environ 15 m2 chacune. C’est un vestige d'une batterie d’artillerie située à 3,5 km à vol d’oiseau de la mer et dirigée vers Diélette. Jean-Pierre et Nadine Néel, nous ont fait découvrir cet endroit dont l’histoire est bien présente dans la mémoire de Tréauvillais qui ont connu la période de la guerre.
En octobre 1943, une nouvelle section de soldats allemands, occupants des fermes de La Couture et de Couilly, prépara l’installation de cet emplacement de batterie d’artillerie. L’ensemble achevé se composait de quatre canons, un blockhaus, des baraques, des tranchées, des abris souterrains et des fausses haies de camouflage. Pour la construction de cette batterie, des cultivateurs furent réquisitionnés pour transporter les matériaux avec leurs tombereaux. Ils ne montrèrent guère d’allant dans cette mission contrainte. L’un d’eux raconta qu’il avait laissé la trappe arrière de son tombereau entre-ouverte de telle sorte qu’une partie du sable transporté se répandit sur le chemin montant vers Les Delles. Arrivé là-haut, le chargement était réduit d’une bonne moitié. Le soldat allemand chargé de le réceptionner s’en rendit compte et se montra très menaçant, toutefois l’affaire en resta là. Plus tard, des essais de tir furent réalisés à plusieurs reprises mais cette batterie ne sera opérationnelle que peu de temps avant d’être déménagée vers Tocqueville en février 1944. Les Allemands ont probablement souhaité renforcer leur défense côtière dans les environs de Cherbourg face à une menace de débarquement sans doute plus forte qu’à Diélette.
En haut à gauche, accès au blockhaus dans le talus, masqué par la végétation. En haut à droite, vue intérieure. En bas, exploration par Bernard Lefaix, Jean-Pierre Néel et Christophe Tougeron.
Louis Leboisselier, dont le témoignage audio est disponible aux archives départementales de la Manche, avait raconté le déménagement de cette batterie auquel il avait participé. Il était âgé de 19 ans. « Pour déménager les quatre canons et toutes les munitions, des cultivateurs du canton avaient été réquisitionnés. Il fallait un attelage de quatre chevaux par canon. Comme les chevaux n’avaient jamais été attelés ensemble, ils ne se connaissaient pas, il y avait donc un cavalier par cheval pour les mener. L’ordre de départ fut donné le soir à la tombée de la nuit. A ce moment-là, j’étais en train de manger dans la ferme de mes parents à La Couture après avoir charrié du fumier dans les champs toute la journée. J’étais donc à table quand on m’a dit, Louis il faut que tu repartes. J’ai dû ratteler mes chevaux pour reculer une charrette à la porte de la salle de la ferme et charger tout le matériel de bureau des Allemands qui s’y trouvait. Le transport vers Tocqueville s’est déroulé en deux étapes de nuit. Partis vers 11h du soir, nous sommes arrivés à Sottevast au lever du jour pour remonter vers Brix et stationner pendant la journée, camouflés dans une avenue bordée d’arbres pour ne pas être repérables par l’aviation alliée. Le convoi est reparti à la tombée de la nuit. Je me souviens être passé par Le Theil. A un carrefour avec la route de Saint-Pierre, il fallait faire très attention en contournant un trou de bombe. Au moment d’arriver à La Fourquette (à Théville), les Allemands arrêtent la colonne, sans doute pour vérifier la présence de tous les convoyeurs, il faisait encore nuit. Tout d’un coup, j’aperçois des projecteurs allumés sur le secteur de Cherbourg, il y avait certainement une alerte. Non loin de nous, je vis un fût de canon de DCA (Défense Contre Avions) se dresser vers le ciel. Je signale immédiatement ce canon au trouffion allemand qui vérifiait la colonne, il poussa des grands cris, raus, raus, et le convoi redémarra en vitesse. J’étais soulagé car les chevaux auraient été pris de panique si cela s’était mis à péter. Mais bon, nous sommes repartis sans traîner pour enfin atteindre Tocqueville après le lever du jour »